source : Femme actuelle




Pierre SABOURIN , psychiatre*
« Le Conseil de l'Ordre des médecins a douté de mon intégrité »

« A six reprises , depuis 1998 , j'ai comparu devant le Conseil de l'Ordre des médecins pour avoir rédigé « des certificats de présomption d'abus sexuels » soi-disant mensongers et calomnieux . A la clé , plusieurs blâmes et des mois d'interdiction d'exercice . Or , les enfants que mon équipe et moi soignons sont souvent victimes de viols dans leur famille . Ces viols ne laissent pas toujours de blessures physiques (dans les cas de fellations par exemple) mais des symptômes psychiques et psychosomatiques graves . Ce qui nécessite un diagnostic plus complexe qu'un simple constat de coups et blessures , d'autant que les très jeunes enfants ou les plus fragiles ne peuvent pas toujours dirent ce qu'ils ont subi avec des mots .

En matière d'inceste ,
on préfère croire que
tout n'est que fantasme


Or , cette part déterminante du diagnostic est trop souvent niée . Peut-être parce que ce sont généralement des internistes , des chirurgiens ou des cancérologues qui composent les commissions qui nous jugent . Leur incompétence à reconnaître cette réalité intangible les a même conduits à me demander combien j'avais touché de la part de femmes manipulatrices ! Or , rédiger un certificat de maltraitance , c'est rapporter les propos d'un enfant dès lors qu'ils sont crédibles et en lien avec ses symptômes . Et au vu des ennuis et des condamnations , il faut que je sois sûr que l'enfant est en danger avant d'alerter les autorités judiciaires . Il est parfois vital de renoncer à une vision sacro-sainte de la famille . Car rien n'est sacré pour les pédocriminel , qui ne ressentent généralement ni honte ni culpabilité . Leur ligne de défence est très bien organisée : non seulement ils nient les actes , mais ils accusent le parent protecteur de manipuler l'enfant ou de croire à ses fantasmes . Or , des années de pratique m'ont appris qu'en matière d'inceste , les symptômes des patients proviennent d'évènements vécus et non de fantasmes .

Médicalement indispensable ,
ce combat doit se poursuivre


Mais en l'absence de preuves physiques et devant les dénégations persuasives d'individus manipulateurs , des non-lieux sont souvent prononcés . Ces individus se retournent ensuite contre nous en portant plainte devant le Conseil de l'Ordre . Pourtant , ce combat médicalement indispensable doit continuer , pour que soit entendue la parole des enfants plutôt que les mensonges de certains adultes aux allures si respectables . »
*Co-fondateur du Centre des Buttes-Chaumont et
auteur de La violence impensable , éd. Nathan